La Levure Gastrique Aviaire (alias Megabacteria) : Devons-nous être inquiets ?

David N.Phalen, Dipl. ABVP (Avian) - Texas A&M University .

 

 

Les étudiants vétérinaires, les éleveurs et les possesseurs d'animaux ont une chose en commun : ils sont toujours inquiets sur tout . La question que je veux soulever ici est de savoir si les possesseurs d'oiseaux doivent s'inquiéter de la mégabactériose ? Les commentaires que je vais pouvoir faire sont basés sur mon expérience et la connaissance des publications sur le sujet. Beaucoup de choses ont été dites sur cet organisme et les maladies qui lui sont associées, mais, jusqu'à ce jour, il y a peu de données sérieuses expérimentales qui viennent étayer ces affirmations.

 La première question à laquelle nous devons répondre est : quel est l'organisme responsable ? Les travaux du Dr. Elisabeth Tomaszewski dans mon laboratoire ont montré qu'il s'agit d'une espèce de champignon : une levure. Ceci est en concordance avec les travaux qui ont aussi été faits en Allemagne. Aussi, vais-je appeler cet organisme " levure gastrique aviaire " ou AGY (avian gastric yeast) dans le reste de cet article. Nos travaux sont en opposition avec les premiers qui furent réalisés et qui avaient suggéré que cet organisme était une bactérie. Je pense que les scientifiques qui avaient affirmés cela avaient fait développer, par les méthodes traditionnelles d'isolation bactérienne, une bactérie qui se trouve normalement dans le jabot mais n'avaient pas cultivé l'AGY lui-même. Puisque l'AGY est un champignon, on ne peut qu'espérer qu'il réponde aux médicaments spécifiques qui sont actifs sur ceux-ci.

 L'AGY a été identifié chez beaucoup d'espèces d'oiseaux mais il est particulièrement commun chez les Ondulées et quelques espèces de becs droits ; l'impression générale étant qu'il infecte fréquemment les Psittacidés. A partir de nos recherche et des discussions avec les éleveurs et les vétérinaires, il peut être suggéré que cet organisme infecte communément les oiseaux à plumage vert et sans doute, beaucoup plus probablement, cause des maladies chez ceux qui ont été élevées pour les mutations de couleurs. Les rumeurs abondent et l'une d'entre elle indique qu'il y aurait plusieurs AGY, certains étant plus enclins à générer des maladies que les autres. Ce point est totalement spéculatif et nos résultats, au stade actuel, ne s'accordent pas avec cette hypothèse.

 Est-ce que l'AGY provoque des maladies ? Est-ce qu'il provoque des maladies dans tous les sujets qu'il infecte ou simplement chez certains ? Bien que personnellement je n'ai que rarement vu des oiseaux dont on pourrait penser que leur maladie est causée par l'AGY, il existe des travaux en Australie et en Europe, des rapports de vétérinaires ici aux USA, qui suggèrent qu'il doit réellement causer des maladies chez quelques oiseaux infectés. Chez la perruche, la maladie la plus communément associée à la présence d'AGY est appelée " going light ". Ce sont typiquement les vieux oiseaux qui accusent une maladie à évolution longue caractérisée par la perte de poids et la régurgitation. Les oiseaux présentant cela ont un grand nombre d'AGY dans leurs fientes et, quand ils sont traités avec un médicament approprié, ont un état de santé qui s'améliorent et l'AGY n'est plus présent alors dans leurs fientes. Il est important de noter que d'autres maladies , dont la trichomonose, donnent des symptômes identiques chez les Ondulées. Chez les autres espèces d'oiseaux, l'AGY a été associée à un amaigrissement chronique, mais la régurgitation ne m'a pas été mentionnée comme signe commun. Ces oiseaux montrent aussi un grand nombre d'organismes et ces symptômes diminuent après traitement.

 L'AGY, cependant, ne provoque pas de maladie chez tous les oiseaux infestés . De manière continue, j'entretiens un groupe de Perruches pour mes recherches. De temps en temps, la plupart de ces oiseaux ont produit de l'AGY. Cependant, aucun de ces oiseaux ne montre un seul signe de maladie qui pourrait être en relation avec cet organisme. J'ai fait des observations similaires dans d'autres collections de perruches. Aussi vais-je prendre mes responsabilités et vous dire que je pense que la plupart des Ondulées affectées par l'AGY sont simplement belles et en pleine forme et que seulement un petit pourcentage d'oiseaux infectés actuellement développent des maladies associées à l'AGY.

 Le diagnostic de l'AGY n'est pas toujours facile. L'AGY ne se colore pas bien avec le colorant de Gram ou les colorants rapides. Il est préparé pour l'observation dans un mélange de fientes et de sérum physiologique, mais tous les oiseaux infectés ne contiennent pas l'organisme en concentration suffisante pour qu'il puisse être détecté sur un ou plusieurs échantillons et d'autres organismes présents dans les fientes peuvent être confondus avec l'AGY.

 Les dernières questions sur l'AGY tourne autour du traitement. Peut-on traiter cet organisme chez un oiseau malade et espérer une amélioration ? Qu'en est-il du traitement de groupe ? Est-il sensé de traiter des collections entières d'oiseaux ? La meilleure information sur ce thème vient du Dr. Lucio FILIPPICH de l'Université de Queensland (Australie). Il a montré que l'AGY peut être traité par l'Amphotricine B et que les oiseaux malades vont mieux après traitement. Cependant enfin, dans des collections d'ondulées, le traitement n'est pas 100 % actif et quelques oiseaux restent infectés et sont présumés pouvoir réinfecter les autres dès la fin du traitement. Nos travaux ont aussi corroboré cela. Nous avons utilisé deux préparations différentes d'Amphotericin B et montré que, sous deux semaines, beaucoup d'oiseaux sont devenus négatifs, alors que de faibles niveaux d'infection avaient persisté chez d'autres sujets. Par contre cependant, quatre semaine de traitement aboutirent à une guérison complète d'un de nos groupes. Un autre médicament étudié, le FLUCONAZOLE était actif sur le micro-organisme de la plupart des oiseaux mais ne l'éliminait pas entièrement de tous les oiseaux traités.

 A ce jour, mes conclusions sur l'AGY sont les suivantes. L'infection est très commune chez certaines espèces d'oiseaux mais la maladie est rare. Aucun essai de traitement, excepté le traitement de 30 jours à l'Amphotericin B, n'ont réussi à éliminer l'AGY d'une collection d'oiseaux.. Quelques individus montrant des signes de maladie ont répondu au traitement. A mon avis, le traitement des oiseaux malades tombe sous le sens. Cependant, le traitement de tous les oiseaux d'un élevage qui ne présentent aucun signe de maladie est illusoire car je ne pense pas que le micro-organisme puisse être totalement éradiqué et le risque est grand que celui-ci devienne résistant au médicament employé. Un oiseau doit-il être éliminé s'il montre la présence de la levure dans ses fientes ? Je crois qu'il faut dire non. Si vous êtes convaincu qu'aucun de vos oiseaux ne présente cette affection, alors ne l' "importez " pas dans vos volières. Mais si vous possédez un pensionnaire , perruche ou autre Psittacidé, en pleine forme, gras et vif avec un petit nombre de micro-organismes dans ses fientes, je ne considère pas cela comme un problème. Je suis sûr que d'autres vétérinaires ne seront pas d'accord avec moi et peut-être changerais-je d'opinion quand nos études sur le sujet avanceront, mais ceci est mon avis actuel sur la question.

 

(Article publié pour la première fois dans la " Newsletter of the Midwestern Avian Research Expo, 2001) - Transmis par la WBO (World Budgerigar Association) avec l'aimable permission de la Budgerigar Association of America

 

NDT : Il est indéniable que cet article fait le point sur la question au jour J et à l'heure H, apportant de nombreuses informations dont la moindre n'est pas l'identification du micro-organisme comme une LEVURE et non une BACTERIE. Il était en effet quelque peu frustrant pour le scientifique que je suis de savoir que cette bactérie " de grande taille " (Méga !) ne pouvait être cultivée sur tous les milieux connus à ce jour ! Il semblerait qu'une erreur d'isolement soit la cause… d'une erreur d'identification.. et donc d'une erreur de nomination (dure pour ceux qui ont " sorti " des médicaments contre la Mégabac. !).

Heureux personnellement de voir ressortir le " going light " qui avait fait couler tant d'encre dans les années 80 et qui nous avait touché, avec une divergence d'avis avec le Dr N.Phalen : cette affection " d'alors " touchait les oiseaux de tous âges, et pas seulement les vieux. Comment était-elle apparu ? S'est-elle résorbée en changeant de nom ? (Megabatériose et maintenant AGY ? ).

Il semblerait que cette présence bénigne puisse devenir une affection maligne. Ne serait-il pas utile de voir coté stress (comme pour la Colibacillose des Volailles, phénomène connu maintenant), ou du coté de l'alimentation sans oublier le coté génétique mais cela est certes plus complexe !

Avis tout personnel : variez l'alimentation , évitez la consanguinité, regardez dans vos livres d'élevage les couples qui ont donné des jeunes à fort taux de mortalité (et écartez-les) sans oubliez les apport de vitamines et d'oligo-éléments, dont l'iode dont on parle peu mais qui serait assez bloquant du développement de l'AGY, puisque AGY il y a maintenant….. jusqu'au prochain épisode ?

A.DELILLE